Le travail de Yannis Angel interroge l’ambiguïté fondamentale du regard narcissique, l’angle singulier de ce regard de biais, qui cherche une impossible prise sur l’être invisible que chacun est pour soi-même. Les portraits « au miroir absent » que sont, au fond, la plupart de ses images répètent à l’envi que si l’on ne voie jamais que soi, il est pourtant impossible de se voir. Du miroir ne reste que le cadre ovale qui dramatise, c’est-à-dire montre et cache à la fois, scinde le visage, induit des effets de décalage et de brisure. Le regard narcissique, fixe et hypnotique, du modèle, renvoie le spectateur à la littérale obscénité de sa propre présence face à la photographie. Il fait pour ainsi dire une entrée par effraction « derrière la scène », dans les loges fantasmatiques où se prépare amoureusement, dans le regard intime de soi sur soi, la construction artificielle de sa survie dans le théâtre du monde réel – habillage, maquillage, travestissements divers. Muriel Moutet (lire la suite)